MESHER,
MEGHIEY, SHESHONQ
Conquérants,
chefs de guerre et pharaons berbères d'Egypte
Dés
préhistoire, on assiste à une pénétration
des populations berbères en Egypte. Les tout premiers documents
archéologiques égyptiens, les mentionnent sous le nom de
THNW, Tehenu, et les bas-reliefs les représentent, tantôt
confrontés aux souverains égyptiens, tantôt en rois
et reines triomphants.
Les sources égyptiennes citent également les grandes tribus
berbères avec lesquelles l'Egypte était en contact : les
Temehu, qui s'étaient installés à une époque
immémoriale sur la rive occidentale du Nil, dans le disert égyptien,
les Tehenu, plus au nord, sur les côtes de la Méditerranée
et, plus à l'est, dans la Libye actuelle, les Lebu (ou Rebu) et
les Mashawash. C'est du nom de Lebu que dérivent les mots Libyen
et Libye, chez les Grecs et les Romains, d'abord pour designer les Berbères
des régions de l'Est ainsi que leur pays, puis l'ensemble des berbères
et le Maghreb actuel.
Au tout début, les Berbères se rendaient en Egypte pour
échanger des produits de leur pays, principalement du bétail
et une essence aromatique que les Egyptiens appelaient essence de Libye,
contre du grain. Beaucoup de Libyens en profitèrent pour s'installer
sur le bord des lacs, près du Nil, participant à la création
des grandes villes qui allaient former le noyau à partir duquel
se constitua la civilisation égyptienne et les dynasties pharaoniques.
Un historien comme Gordon Childe soutiendra que c'est la rencontre de
la civilisation libyenne avec les cultures autochtones qui provoqua l'avènement
de la première culture prédynastique de l'Egypte.
Les Libyens ne s'assimilèrent pas aux Egyptiens : ils en sont toujours
distingués, sur les fresques, par leur physique (notamment une
gabelle saillante), leurs cheveux nattés et leurs barbes terminées
en pointe ainsi que leurs vêtements (longues tuniques) et les éléments
de leur coiffure (plumes d'autruches). Ils avaient aussi gardé
l'usage de leur langue et si celle-ci a pu être influencée
par l'égyptien elle exerça aussi une influence sur lui.
Les spécialistes de l'égyptien ancien relèvent dans
les dialectes des régions où vivaient les Lybiens de nombreuses
formes berbérisantes, signe d'un contact prolongé entre
les deux langues.
D'incursions
et d'occupations tolérées, les Libyens passèrent
aux invasions, brisant les fortifications établies par les pharaons.
Des tribus, hommes, femmes, enfants et bétail, s'installèrent
sur les terres conquises par les armes. Ils s'allièrent à
d'autres envahisseurs, les fameux peuples de la mer dont parlent les sources
égyptiennes : peuples du nord de la Méditerranée,
Sémites, Asiatiques. ..
Le pharaon Thoutmosis III (16ème siècle avant J.C) avait
édifié des forteresses tout au long des côtes jusqu'à
l'ouest du Nil pour protéger le pays. Ramsès II les renforça
au cours de son règne et refoula les Libyens jusqu'au désert.
Mais ne parvenant pas à se débarrasser totalement d'eux,
il essaya de se les concilier, en intégrant un certain nombre d'entre
eux dans son armée.
C'est au cours du règne du pharaon Mineptah (1224-1214 avant J.C)
qu'eut lieu la grande invasion des Libyens et des peuples de la mer, menés
par le Libyen Meghiey, fils de Ded, de la tribu des Lebu. Les guerriers,
au nombre de 25.000, pénétrèrent par la mer et le
désert : l'Egypte affolée jeta toutes ses forces dans la
bataille qui a eu lieu dans le delta du Nil. Les coalisés, vaincus,
laissèrent sur le champ de bataille 8500 morts et 900 prisonniers.
Meghiey dut s'enfuir avec sa famille, abandonnant tous ses biens. S'il
avait remporté la victoire, il n'y a pas de doute que l'histoire
de l'Egypte, voire du monde méditerranéen, aurait été
différente !
Ramsès III (1198-1166 avant J.C) dût faire face à
une autre invasion. Cette fois-ci, les Lebu et les Mashawash s'étaient
coalisés avec le peuple des Seped et s'étaient présentés
en masse devant le pharaon: prétextant une coutume de vassalité
qui les liait aux souverains égyptiens, ils venaient demander au
pharaon de leur donner un roi.

Ramsès acceda à leur demande en d ésignant à
leur tête un Libyen élevé en Egypte mais il finit
comprendre que l'intention des Libyens est d'occuper le pays. Il mobilisa
donc ses troupes leur livra bataille. Les Libyens étaient menés
par Mesher, fils de Kaper : la guerre dura six moi et se solda par la
défaite des Libyens et de leurs alliés. Une fois de plus
l'Egypte échappait à libyanisation qui aurait changé
son histoire.
Malgré ces défaites, les infiltrations libyennes se poursuivirent
tout au long des siècles.
LesLibyens sont nombreux dans les compagnes et dans les villes où
des centaines d'entre eux servaient dans l'armée égyptienne.
Certains de ces soldats s'érigèrent même en chefs
féodaux, commandant à leurs compatriotes, s'arrogeant des
droits et dés privilèges que les Egyptiens eu mêmes
reconnaissaient.
En 945 avant J .C, un membre de la tribu Mashawash devint, à Bubastis,
pharaon, sous nom de Sheshonq 1er, fondant la première dynastie
berbère d'Egypte. Sheshonq avait vaincu les armées égyptiennes
et avait même envahi la Palestine. La Bible qui l'appelle Sesac,
rappol qu'il avait écrasé les troupes du roi de Judée
Roboam et pillé les trésors du temple de Salomon à
Jérusalem. Des fresques du mur nord du temple d'Ammon, à
Karnak, célèbrent cette éclatante victoire du souverain
berbère qui compte parmi les pages les plus prestigieuses de l'histoire
de l'Egypte.

D'autres rois succédèrent à Sheshonq, tel Osorkon
II qui régna de 874 à 850 avant J.C et dont lès exploits
guerriers sont rapportés par les chroniques égyptiennes.
Osorkon fut également un souverain éclairé, dont
le règne fut parmi les plus brillants des dynasties berbères
d'Egypte.
Des reines libyennes sont également mentionnées, à
l'exemple de Karomama dont la statuette d'or, aujourd'hui conservée
au Musée du Louvre, compte parmi les chefs-d'oeuvre de l'art égyptien.
Des Libyens occupèrent aussi de hautes charges sacerdotales. On
cite, entre autres, Nitocris, qui portait le titre prestigieux d'épouse
d'Ammon, fille du pharaon Psammétique 1er qui régna de 664
à 610 avant J.C.
M. A. Haddadou
Source : Livre de A.HADDADOU
