Les Touaregs du Niger sont une nouvelle fois confrontés à une situation qui suscite une extrême inquiétude.
Pasteurs, nomades, occupant les immensités désertiques du nord du pays, ils ont vécu longtemps libres mais en marge des préoccupations des pouvoirs qui se sont succédés à la tête de l’Etat nigérien. Après l’indépendance du pays en 1960, les Touaregs ont été écartés des principaux centres de décision de l’Etat, tant au niveau national que local et sur le plan socioéconomique et culturel ils ont subi et continuent de subir l’exclusion et les discriminations multiformes qui font d’eux des citoyens de seconde zone. De ce fait, leurs besoins fondamentaux tels que l’éducation, la santé et l’accès à l’essentiel des droits sociaux de base leur font cruellement défaut. L’analphabétisme et le faible niveau d’instruction et de qualification sont ensuite utilisés comme motifs pour refuser l’emploi des Touaregs dans les entreprises et la fonction publique. En même temps, les ressources naturelles qui se trouvent sur leurs territoires comme les gisements d’uranium et de charbon (qui représentant plus de 60% des exportations du Niger), sont exploitées par des firmes étrangères, notamment la société française AREVA, sans aucune retombée économique pour les populations locales, exceptée la pollution radioactive.
Lorsque dans les années 1990 les Touaregs ont protesté contre leur état de marginalisation et la spoliation de leurs richesses, le gouvernement a réagi par la violence, faisant massacrer par l’armée, des milliers de civils, en toute impunité. Depuis, des accords de paix ont été signés en 1995 entre le gouvernement et les représentants touaregs, prévoyant un plan de rattrapage économique et social pour les régions touarègues, la décentralisation du pouvoir et l’intégration des combattants dans les services de sécurité et l’administration, comme conditions du retour à la paix et à l’unité nationale. Malheureusement, les textes n’ont trouvé aucun terrain d’application, excepté le volet sécuritaire dont finalement le seul but était de désarmer les combattants touaregs. Du coup, une nouvelle rébellion éclate en 2004 et se termine elle aussi par des accords mais qui ne sont que très partiellement suivis d’effets. Ainsi au Niger, l’histoire se répète presque à l’identique, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences. En attendant, les aléas climatiques, les discriminations, les abus de pouvoir, la corruption, le chômage et la paupérisation ont fini par plonger les populations dans le désarroi.
C’est dans ce contexte alarmant que de jeunes cadres touaregs ont créé en février 2007, une nouvelle organisation dénommée le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), cadre et instrument de défense des droits et des intérêts des populations touarègues et des opprimés du Niger.
Dans un rapport rendu public dans lequel il fait le bilan de la grave situation que vivent le peuple Touareg et les autres communautés nigériennes, le MNJ présente à l’Etat nigérien un cahier de revendications politiques, économiques, sociales et culturelles susceptibles de permettre aux populations locales d’accéder à leurs droits fondamentaux, de vivre décemment et dignement et de restaurer durablement la paix dans cette zone.
Le Congrès Mondial Amazigh (CMA), ONG de défense des droits de la nation amazighe, se tient naturellement et de manière indéfectible aux côtés du peuple Touareg et soutient l’ensemble de ses légitimes revendications. Par ailleurs, le CMA met en garde le gouvernement nigérien contre le recours à l’option militaire aux conséquences absolument désastreuses et contre toute politique de diabolisation ou de mépris envers les membres du MNJ et l’appelle à reconnaître ce mouvement et à ouvrir sans délai un dialogue constructif avec ses responsables. Le CMA est disposé à contribuer à toute solution politique à ce conflit qui passe nécessairement par la satisfaction de la plate-forme de revendications du MNJ.
Le gouvernement nigérien est responsable de l’impartialité de l’Etat et du nécessaire respect des spécificités et des droits individuels et collectifs de chacun des peuples du Niger. Toute autre attitude des autorités ne ferait qu’hypothéquer davantage les chances de stabilité et de cohésion nationales.
Le CMA interpelle également la communauté internationale, particulièrement l’ONU et l’UE, afin qu’elle exige du gouvernement nigérien le strict respect du droit international et de tous ses engagements concernant notamment le respect des principes démocratiques et des droits humains.
Paris, le 5 mai 2007
Le Bureau du CMA