« Troubles à l’ordre public ». C’ est l’ explication officielle de l’ arrestation de dizaines de militants amazighs, venus manifester pacifiquement à Paris, lundi dernier, contre la visite du président libyen. Mais les Amazighs ne sont pas les seuls à protester contre le dirigeant arabe, et son jemenfoutisme à l’ égard des droits de l’ homme. Pour le chef de l’ Elysée, les droits humains, en Libye ou ailleurs, ne pèsent rien par rapport aux dix milliards d’euros que la France s’apprête à encaisser. Revenons au sit-in amazigh interdit et à la polémique qu’à déclenché le dirigeant indésirable en France.
En réponse à l’appel lancé par l’ association libyenne Tawalt pour manifester à Paris contre la visite du colonel Khadafi, les militants amazighs ont répondu présents. Issus de diverses associations culturelles, les militants amazighs originaires du Maroc et d’Algérie se sont solidarisés , ce 10 décembre, avec leurs frères amazighs de Libye. Ainsi, les associations Tamazgha, Taymanut-France, Azal, Tiwizi 29, le Congrès Mondial Amazigh, le Collectif Amazigh de Bobigny et d’ autres ont encouragé et rejoint les libyens. Fondateur de Tawalt, Madghis Afullay est l’ initiateur de la manifestation. Il avait pris soin de faire une demande d’autorisation à manifester auprès de la préfecture, qui lui a promis de répondre positivement à sa demande.
Midi, place St Augustin, les militants amazighs n’ont pas manqué au rendez-vous, armés de simples banderoles, de drapeaux amazighs, de l’ ancien drapeau libyen que le Guide de la Révolution a radicalement modifié, et autres symboles amazighs.
Entièrement encerclée par les policiers, la place St Augustin a attiré de nombreux médias. C’ est ce qui a incité les forces de l’ ordre à demander aux manifestants de se disperser. C’est à dire, de dégager de la piste pour être plus direct. Motif : les autorités ont soudainement décidé d’interdire toute manifestation, pro ou anti-Khadaffi. Comme si le peuple français allait manifester pour Khadafi !
En effet, la préfecture de Paris est à l’ origine de cette décision illégitime, pour éviter d’éventuelles « atteintes à la paix civile ». Motif classique, hélas, utilisé pour empêcher les démocrates de s’exprimer. Les forces de l’ordre ont gentiment demandé aux manifestants de quitter la place St Augustin. Ce qu’ ils ont fait pour aller manifester au Parvis des « droits de l’ homme », au Trocadéro. A la sortie du métro, les CRS les attendaient bien fraîchement et ont arrêtés tous ces citoyens pacifiques sur le champ. Comme s’ils s’apprêtaient à activer leurs ceintures d’explosifs ! Placés en garde à vue pendant trois longues heures, les militants amazighs ont été finalement relâchés. Une manière d’intimider les Amazighs de France. Mais inutilement…
En outre, les militants amazighs ne sont pas les seuls à protester contre la venue du dirigeant le plus provocateur de l’Histoire. Militants des droits de l’homme, opposants politiques libyens, milieux politiques de gauche : nombreux sont ceux qui ont protesté contre la visite du numéro libyen. L’écrasante majorité de l’ Assemblée nationale a décidé de boycotter sa présence dans l’hémicycle.
Même dans le camp de Sarkozy, la colère s’affiche comme la secrétaire d’état aux droits de l’homme, Rama Yade, qui s’est indigné contre le choix de la date de la visite, qui est la journée des droits de l’homme, et non la visite en elle-même, ce qui est quand même discutable. Car 10 décembre ou pas, un pays se surnommant « Patrie des droits de l’ homme » ne peut accueillir un dictateur qui, en plus, commande et légitime les actions terroristes. « Il est normal que les faibles aient recours au terrorisme » a déclaré Khadafi à la veille du sommet de Lisbonne, vendredi dernier.
Ainsi, le 10 décembre célèbre les droits de l’homme. Le gouvernement français, en invitant le colonel libyen à Paris, en cette journée précise, a voulu faire passer la Libye pour un pays qui a décidé de mettre une croix sur son passé dictatorial. « La France reçoit un chef d'Etat qui a choisi de renoncer définitivement à la possession de l'arme nucléaire (...), de rendre les stocks (d'armes de destruction massive) de renoncer définitivement au terrorisme (...), de libérer les infirmières bulgares » répond M. Sarkozy à l’avalanches de critiques. Mais M. Sarkozy sait-il que dans ce pays, qui abrite plus de 20% d’Amazighs, parler tamazight dans les lieux publics est strictement interdit? Sans évoquer que M. Khadafi aime se moquer des Amazighs, depuis toujours. En leur tendant la main un jour, et en niant leur existence le lendemain.
Mais que valent ces atteintes à la dignité humaine pour le président français ?
Absolument rien puisque Sarkozy est un excellent commercial. Et il ne compte pas perdre le moindre centime d’euro pour défendre ces quelques broutilles. Au programme : des contrats pour dix milliards d’euros. Vente de 14 avions Rafale, 21 Airbus, des réacteurs nucléaires, 35 hélicoptères, navires, radars et véhicules blindés etc… En signant des contrats avec la Chine, le Maroc, l’Algérie, et aujourd’hui la Libye, la France de Sarkozy défend l’amitié commerciale seulement. L’art de faire du bon business ou la realpolitik.
Cependant, il est des choses, dans ce monde, qui ne se vendent pas. En l’occurrence, la liberté, la dignité et toutes les valeurs universelles que prône M. Sarkozy dans tous ses discours. En embarquant la « racaille » amazighe au commissariat, en nettoyant Paris « au karcher » éjectant toute personne récalcitrante, la France de M. Sarkozy s’est complètement ridiculisée et décrédibilisée. Mais surtout en invitant l’un des plus grands dictateurs de l’Histoire, en cette journée noble que celle des droits de l’homme, de surcroît.
Il s’agit de la fameuse politique d’« ouverture » prônée par le président français à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Cette ouverture mène surtout au ridicule. Une tente nomade a été installée à Paris pour montrer à Khadafi combien la France l’aime. Il aurait carrément fallu commander un troupeau de chèvres et faire appel aux Touaregs que Khadafi aime beaucoup pour obtenir sa satisfaction. Moralité : pour signer des contrats, il faut affronter tous les caprices du client jusqu’à se prostituer !
