
Une délégation amazighe internationale composée de Belkacem Lounes, Président du CMA, Rachid Raha, vice-président, Ferhat Mehenni, Président du Mouvement pour lAutonomie de la Kabylie (MAK), Ahmed Adghirni, secrétaire général du parti démocratique amazigh du Maroc (PDAM), Alhader Ag Faki (Touareg du Mali), Husseiny Ag Sidi (Touareg du Niger), Ilmas Ouachikh (coordinateur des associations amazighes de Belgique), Mohamed ElHamouti (Président de lassociation des étudiants amazighs de Belgique et coordinateur de la mission), a effectué, du 30 juin au 2 juillet 2008, une visite de travail auprès des différentes instances européennes à Bruxelles. La délégation amazighe a été reçue au Parlement Européen et à la Direction Générale des relations extérieures de la Commission Européenne.
Après une présentation générale de létat de négation et de marginalisation du peuple amazigh et des violences quil subit de la part de tous les gouvernements des pays de Tamazgha (Afrique du Nord et Sahara), les membres de la délégation ont exposé aux interlocuteurs européens, les situations les plus préoccupantes du moment.
Concernant lAlgérie, Belkacem Lounes a dénoncé linterdiction du 5° congrès du CMA en Kabylie, en violation flagrante de la Constitution et des lois algériennes et en contradiction avec le droit international. Cet acte arbitraire qui empêche les Amazighs de se rencontrer chez eux, est une nouvelle provocation qui illustre une fois de plus, le caractère totalitaire et raciste du pouvoir algérien. Ferhat Mehenni a ensuite mis en évidence la politique du gouvernement qui vise à soumettre la Kabylie en anéantissant sa langue, sa culture et ses valeurs et en bloquant son développement socioéconomique. Cest pourquoi le projet dautonomie de la Kabylie est la solution au conflit permanent qui oppose les Kabyles au pouvoir algérien. Le Président du MAK a ensuite appelé les responsables européens à soutenir ce projet démocratique et respectueux du droit international et qui aidera lAlgérie à prendre le chemin de la démocratie et du respect des droits de lhomme. Lassassinat de Lounes Matoub et les crimes commis durant le printemps noir 2001 en Kabylie par les services de sécurité de lEtat, restés à ce jour impunis, ont également été rappelés devant les instances européennes.
Pour ce qui concerne le Maroc, Ahmed Adghirni a abordé le sujet de linterdiction de son parti et montré le caractère illégal de la décision du tribunal administratif de Rabat, ce qui prouve une fois de plus, que pour les questions politiques notamment, la justice obéit aux directives gouvernementales. Pour le secrétaire général du PDAM, le blocage de son parti sexplique par le racisme anti-amazigh et par le refus du lobby panarabiste daccepter que le peuple amazigh dispose de ses propres institutions représentatives. Maitre Adghirni a insisté sur le fait que lEtat marocain admet et finance des dizaines de partis politiques arabistes et/ou islamistes et des centaines dorganismes publics et privés de promotion de larabité mais empêche lexistence dun seul parti politique amazigh. Cest une illustration claire de la politique dapartheid anti-amazigh au Maroc. Rachid Raha a ensuite présenté les autres cas de persécutions que subissent les Amazighs du Maroc, notamment les étudiants membres du mouvement culturel amazigh, détenus sans jugement depuis 14 mois à Meknes et ceux qui ont été arbitrairement condamnés à Imteghren (Errachidia), sans oublier la détention et les violences subies par les citoyens de Boumal N Dades et le cas de Abdelaziz El-Wazani, membre de la ligue amazighe des droits de lhomme, poursuivi par la justice marocaine depuis le mois de février 2007, en raison de ses activités militantes. La répression sans précédent qui sest abattue sur la population de Ifni-Ait Baamran (sud du Maroc) le 7 juin dernier et les jours qui ont suivi et le déploiement dune force policière largement disproportionnée et usant de méthodes barbares (violations de domiciles, violences sur les femmes, arrestations arbitraires), ont été également dénoncés devant les interlocuteurs européens.
La situation tragique que vit le peuple Touareg particulièrement au Mali et au Niger a été présentée par Alhader Ag Faki et Husseiny Ag Sidi qui sont revenus sur les motifs qui ont provoqué la rébellion touarègue de 1990, les massacres de civils touaregs par les armées gouvernementales, les accords de paix signés mais jamais respectés par les gouvernements malien et nigérien, sauf dans leur aspect sécuritaire (désarmement des combattants Touaregs). Les représentants Touaregs ont expliqué que leur peuple demeure politiquement et culturellement exclu et économiquement marginalisé, spolié de ses ressources, chassé de ses terres et territoires les plus riches. Avec lautorisation des Etats, les multinaltionales sillonnent le pays Touareg à la recherche de ressources naturelles et lorsquun gisement est découvert, les autochtones sont sommés daller planter leur campement plus loin, vers les zones les plus ingrates. Au Niger, lentreprise française Areva qui exploite un gisement duranium à Arlitt depuis bientôt 40 ans, est entrain dépuiser les précieuses ressources en eau de loasis, de polluer lenvironnement par la radioactivité et ne laisse même pas la chance aux Touaregs dêtre embauchés dans lentreprise. Et lorsque les Touaregs réclament un peu de considération et de droits, ils reçoivent en réponse, le silence ou les provocations et la répression violente. Cest cette situation coloniale qui a poussé les Touaregs à se révolter une nouvelle fois, en 2006 au Mali et en 2007 au Niger. Dans ce pays, les forces armées gouvernementales sacharnent sur les civils Touaregs, les assassinant ou les jetant en prison sans jugement. Au mépris des conventions internationales, le gouvernement nigérien a eu recours aux services de mercenaires des pays de lEst pour bombarder les combattants Touaregs. La guerre menée contre le peuple Touareg au Niger et au Mali a contraint des milliers de familles à fuir leur pays pour aller se réfugier auprès de leur communauté dans le sud de lAlgérie et au nord du Burkina-Faso. En conclusion, Alhader Ag Faki et Husseiny Ag Sidi ont appelé les instances européennes à agir durgence pour mettre fin aux agressions que subissent les Touaregs, protéger ce peuple dont la survie est menacée et contribuer à trouver une solution qui garantisse durablement les droits fondamentaux du peuple Touareg.
Des documents relatifs à la situation des Amazighs dans tous les pays de Tamazgha ont ensuite été remis aussi bien aux euro-députés quaux responsables de la Commission.
Les parlementaires qui étaient peu informés sur la situation des Amazighs, ont été très attentifs aux explications qui leur ont été fournies et ont posé beaucoup de questions relatives à chacun des sujets exposés. Après un large débat, les parlementaires européens se sont engagés à mettre ces questions à lordre du jour de la prochaine session de lassemblée européenne et à demander ladoption dune résolution solennelle du Parlement Européen.
Au niveau de la Commission, les membres de la délégation amazighe ont rappelé la nécessité dappliquer strictement larticle 2 des Accords dassociation entre lUE et les Etats, relatif à la démocratie et au respect des droits humains. "Pas de commerce sans droits humains" ont-ils insisté, avant de demander que la question amazighe fasse désormais partie des points inscrits à lordre du jour de toutes les rencontres bilatérales entre lUE et les Etats de Tamazgha. Par ailleurs, les organisations de la société civile amazighe doivent être régulièrement entendues et consultées pour tout ce qui concerne lévolution des relations entre lUE et leurs pays. Dans ce but, les deux parties se sont accordées sur la nécessité de se rencontrer régulièrement afin dassurer le suivi de ces mesures et déchanger leurs analyses.
Au cours du deuxième jour de sa visite à Bruxelles, la délégation amazighe a été successivement reçue au Parlement et au Sénat Belges et enfin au Parlement Flamand. Le même travail de sensibilisation a été effectué par les Amazighs qui ont incité leurs hôtes à conditionner leurs relations économiques avec les Etats dAfrique du Nord aux efforts fournis par ces derniers dans les domaines de la démocratie et du respect des droits de lhomme. Au sujet de limmigration qui préoccupe tant les européens, les membres de la délégation amazighe ont tenu à rappeler cette évidence : la réduction des flux migratoires vers lEurope réside beaucoup moins dans la construction de vaines barrières autour de lEurope que dans lamélioration des conditions de vie des populations et de létat de droit au sud. Les représentants amazighs de Belgique ont également profité de lopportunité de cette visite pour appeler les différentes autorités belges à mieux prendre en compte lidentité amazighe dans les politiques dintégration des populations originaires des pays de Tamazgha.
Bruxelles, 3 juillet 2008
P/la délégation amazighe
Le secrétariat du CMA