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FAUT-IL BRÛLER KAMEL DAOUD ?


Par Mohamed Kacimi, AmazighWorld.org
Date : 2014-07-29


« Collabo, harki, sioniste, sale juif, kafir, mécréant, apostat, vendu, youpin ! traître, salaud, r’khis, lâche, sale rabbin, merdeux, valet de BHL, suppôt d’Israël.. » Voilà les qualificatifs dont on affuble Kamel Daoud, chroniqueur et romancier algérien sur les forums. Quel crime a commis l’auteur pour être traîné ainsi dans la boue ? Il a écrit les premiers jours de l’attaque de Gaza une chronique où il annonce qu’il n’est pas solidaire de la Palestine ! : « Non donc, le chroniqueur n’est pas solidaire de cette « solidarité » qui vous vend la fin du monde et pas le début d’un monde, qui voit la solution dans l’extermination et pas dans l’humanité, qui vous parle de religion pas de dignité et de royaume céleste pas de terre vivante ensemencée. ». N’est-ce pas le droit de chacun de se sentir concerné ou pas par une cause ? N’est-on pas libre d’être indignés ou pas, concernés ou pas ? La cause palestinienne serait-elle devenue le sixième pilier de l’Islam ? Sommes-nous libres de fermer les yeux sur les massacres de Syrie et d’Irak, mais contraints d’afficher urbi et orbi notre solidarité avec le peuple palestinien, sous peine d’être jetés en pâture à la foule ? Ces derniers jours, tous les esprits sont chauffés à blanc par al Jazeera. Cette chaîne vit du commerce des cadavres. Elle a une passion pour les morgues, ses caméras ne sortent jamais des ambulances et des tombes. Elle vend la mort à gogo à des foules arabes dont le futur se résume au » châtiment de la tombe ».

Depuis le début de la guerre de Gaza, » la rue arabe » se range comme un seul homme derrière le Hamas et le mouvement islamiste est devenu aux yeux des intellectuels arabes de gauche un mouvement de libération. On compte désormais les roquettes qui partent de Gaza en se disant que Jérusalem va tomber dans le prochains jours et on ressort l’atroce chanson de Faïrouz» Jérusalem est à nous » ! Bien entendu, Al Jazeera, la chaîne de production d’islamistes à la chaîne, sort l’artillerie lourde. En boucle, elle diffuse l’image des enfants explosés dans les hôpitaux de la ville et fait intervenir des experts miliaires qui jurent que les Brigades Al Kassam sont en train de dépasser en technologie l’armement israélien et que le ciel du Néguev est désormais empli de drones palestiniens » Ababyl » qui, comme le dit la sourate du même nom, vont réduire les F16 en fétu de paille. Et dans les foyers de Ramallah, de Beyrouth ou de Rabat, les familles exultent. Al Jazeera ment vingt quatre heures sur vingt quatre, car la chaîne qatarie sait que les arabes sont de grands rêveurs. En 1990, ils rêvaient de voir les missiles de Saddam raser New York. En 2006, ils baptisaient Saladin, « l’ennemi » chiite Nasrallah car il leur avait promis de raser Tel Aviv, alors qu’en fait il participait à la vitrification du Liban. Et les revoilà en 2014, portant leurs espoirs sur les pétards d’un mouvement intégriste qui a plongé Gaza dans le moyen âge. Plutôt que d’annoncer à ses millions d’âmes qu’ils vivent dans des pays soumis tous à des régimes totalitaires, religieux, obscurantistes, sans libertés, parqués jour et nuit dans des mosquées, où on leur apprend à haïr la liberté, les femmes, la vie, les autres, la chaîne Qatarie préfère crier haro sur Israël, sur l’ennemi sioniste, c’est plus facile, cela ne mange pas de pain, c’est à la fois un antalgique et un antidépresseur. Du paysan du RIF aux cailleras du 9.3, tout le monde en reprend. Il faut être franc. Israël a parfois bon dos ! Depuis 48 et s’il n’existait pas, les régimes arabes l’auraient inventé pour justifier la faillite de ce monde qui, de Rabat à Bagdad, n’est qu’un vaste Goulag de Dieu avec les mosquées pour miradors et les barbus à la place des kapos.

Contrairement à Al Jazzera qui parle d’effusion du sang arabe et musulman à Gaza, je ne pense pas avoir de sang musulman et arabe dans mes veines, mais du sang humain tout court. Je ne partage pas l’opinion de Kamel Daoud mais je dis qu’il a raison, qu’il a parfaitement raison de ne pas se sentir concerné par la situation du peuple palestinien. Je dis cela alors que cela fait plus de vingt ans que je travaille dans les territoires palestiniens, vingt ans que je parcours les camps de réfugiés du Yarmouk de Damas à ceux d’Alep, de Bordj al Barajneh de Beyrouth à El Mieh ou Mieh de Saida, de Balata à Naplouse à celui de Jénine. J’étais en mai à Gaza et je retournerai à Gaza dès que ses portes s’ouvriront. Mais la solidarité avec les palestiniens ne relève pas de la solidarité tribale, de la fameuse assabiya d’Ibn Khaldoun. Elle doit être un acte réfléchi, responsable, fait en connaissance de cause et non un réflexe identitaire et religieux comme c’est le cas aujourd’hui. Comme le dit Kamel, la cause palestinienne a été tellement dévoyée par les régimes arabes et par les partis islamistes qu’elle a perdu sa valeur aux yeux des jeunes générations.

Loin d’être une cause politique, la Palestine est devenue un défouloir collectif, on arbore son nom, on le crie dans les rues arabes et dans ses mosquées quand on sent que la virilité arabe est en cause. Car en fait dans cet imaginaire collectif, gangréné par le religieux, le mot Palestine ne renvoie ni à une géographie ni à une histoire mais à une frustration collective. A force de défaites depuis 48, à force de débandades, de raclées, de compromission, de trahisons, de retournements, le mot Palestine est devenu une métaphore qui renvoie chaque arabe, chaque musulman à son impuissance sexuelle et intellectuelle à entrer dans le temps, à pénétrer le monde, à jouir du siècle. Et qu’on arrête aussi avec la solidarité arabe, et là je rejoins Kamel Daoud. Il faut de temps à autre balayer devant sa propre porte. Depuis 1970, il y a cent fois plus de cadavres palestiniens dans les placards des royaumes et républiques arabes que dans les caves de l’armée israélienne. En 1970, lors du septembre noir, les troupes bédouines du roi de Jordanie taillent en pièces 10 000 palestiniens en dix jours. En 1976, avec la bénédiction des troupes syriennes de Hafez al Assad, ce sont 2000 palestiniens qui vont périr sous les bombes des forces libanaises. Et en 1982, c’est le massacre de 3000 palestiniens à Sabra et Chatila et en 1995 c’est le massacre des camps palestiniens par les milices chiites d’Amal. Durant trente mois, de juin 1985 à mars 1988, les camps de Borj al-Barajneh, de Sabra et Chatila et de Rachidien ont été assiégés par ce mouvement chiite qui massacre 3500 réfugiés palestiniens.

Je comprends aujourd’hui pourquoi les Palestiniens s’adressent si peu à leurs « frères arabes ». Mais poussons les choses plus loin, certes Israël est une démocratie pour les siens, les Juifs, et un régime ségrégationniste pour les arabes qui applique une politique coloniale, barbare, criminelle et absurde. Cependant, et pour être honnête, il convient de dire qu’il vaut mieux être aujourd’hui, palestinien dans un camp de Khan Younes ou de Balata, où l’on a une identité, un ennemi, un bout de terre que l’on estime à soi et pour lequel on est prêt à mourir que d’être palestinien dans un camp à Beyrouth ou a Damas où là on est pas censé ne pas exister depuis 48. Les lois libanaises interdisent l’achat de propriétés immobilières à « tous les étrangers originaires de pays non reconnus par le Liban ». Une formule tarabiscotée pour désigner les Palestiniens. D’autres lois interdisent aux Palestiniens d’exercer quelque 73 métiers, ou celles qui empêchent un Palestinien de détenir un passeport, de voyager, d’essayer d’oublier la terre promise en échange d’une vie normale. Comme quoi la « fraternité arabe » a ses limites.

Etre solidaire de la Palestine aujourd’hui c’est oublier le reflexe atavique et grégaire, la solidarité du sang. Aimer la Palestine, c’est s’abstenir à jamais de crier à « Mort Israël » ou à « Mort les juifs ». Ni la haine, ni la mort de l’autre ne peuvent faire vivre la Palestine. C’est faire l’effort non pas de nier, mais de comprendre Israël dans ses réalités, ses contradictions, et son histoire. Plutôt que d’exclure l’autre, il convient de l’apprendre par cœur. C’est aussi tenter de comprendre le Judaïsme, avec ses fulgurances, ses joies et son questionnement perpétuel et qui loin d’être l’antithèse de l’Islam n’en est que l’enfance, au bout du compte.

Enfin, je reviens à Kamel Daoud qui, depuis un moment, fait cavalier seul et c’est en cela qu’il dérange, qu’il se fait traîner dans la boue, il ne pense pas comme les autres ! Il pense contre les autres, contre les siens, contre lui même. Enfin, un auteur ! Aux yeux des arabes, le poète est celui qui parle au nom des siens, au nom de la tribu. Kamel ouvre une voie nouvelle dans la littérature algérienne, il parle en son nom propre, il ne parle pas au nom des autres des algériens, et encore moins des arabes et des musulmans, il est enfin un individu, un intellectuel, un romancier échappé aux griffes de la tribu qui s’en fiche des mots de la tribu parce qu’il a les siens et qu’il peut dire merde à la tribu. Il peut prendre la route à contresens, penser à rebrousse poil. Tout le monde le hait. Tant mieux, c’est la preuve qu’il a raison. Qu’il est sur la bonne voie. Il est libre Kamel et nous qui le lisons, le sommes avec lui.

From chouf-chouf.com



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Commentaire N° : 1
Par: said seddiki Le : 2014-07-29
Titre: Merci Kamel
Pays: Algeria  

Mr Kacimi,
je me permets de reprendre ici la dernière phrase de votre bulletin "Il est libre Kamel et nous qui le lisons, le sommes avec lui", oui je le confirme, nous sommes des millions a etres avec lui, pour moi Kamel est un avant-gardiste, ses articles sont pour moi comme une dose d'héroïne pour un malheureux malade, vous ne pouvez vous imaginez a quel point, j'ai hâte d'avoir ma dose tous les jours, comme moi nous sommes des millions à jouirs tous les jours des bulletins fracassants de Kamel, pour nous Kamel est notre che Algerien , il a tout pour devenir un Yasmina Khadra un Feraoun,un Djaout ou un Dib et vivre sans tracas, mais non le con il a decide d'emprunter des chemins sinueux, et nager à contre courant. des hommes comme ça en Algerie, je vous le dis il en existe pas beaucoup, le dernier est mort assassiné UN 25 Juin 1998pour le reste ils sont la à brosser les pompes de Fakhamatouhou.

Kamel, nous sommes des millions a etre derières toi a partager tes sentiments et appréhendions, nous ne te lacherons pas, tes idées sont les notres, va s'y continu et bon vent

 
 
 

 
Commentaire N° : 2
Par: Palestinevvivra! Le : 2014-07-30
Titre: chich publier!
Pays: Canada  

UN Romancier version Paris-Match, où l'on ficote avec la politique et la littérature.
Un nouveau bien-disant, un spécimen parmi tant d'autres jounalocrates.
 
 
 

 
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