Depuis sa création, le Département de langue et culture amazighs de l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi Ouzou n’a jamais connu pareil mouvement de contestation, de l’avis même de certains observateurs, il était, il n’y pas si longtemps, un des rares départements où l’année universitaire se terminait de manière normale, c’est à dire que les sessions de synthèse et de rattrapage ont lieu avant le départ en vacances d’été et non en septembre.

La genèse de la contestation remonte au mardi 08 mai 2006. En effet, après une assemblée générale des étudiants du dit département tenue le jour même, il a été décidé du dépôt d’un préavis de grève ouverte à compter du 10 mai 2006 afin de « sommer l’administration à satisfaire la plate-forme de revendications (1), contenant trente points, qui lui a été remise au début de l’année » et où figure, entre autres revendications, l’amélioration des conditions pédagogiques, comme le manque d’enseignants, de salles et de documentations mais aussi le problème de l’insécurité à l’intérieur même des salles de TD « où des étrangers accèdent en toute quiétude. »

N’ayant reçu aucune réponse à leurs doléances et forts du soutient de la communauté estudiantine, notamment à travers la Coordination Locale des Étudiants (C.L.E.), les étudiants en langue et culture amazighs, structurés dans leur Comité, passent à l’action et enclenchent un mouvement de grève illimité à partir du 10 mai 2006, comme décidé lors de leur assemblée générale.

Les protagonistes (étudiants et administration) campent sur leurs positions jusqu’au jour où les deuxièmes EMD sont convoqués pour la journée du dimanche 28 mai 2006. La colère des étudiants monte d’un cran et une marche est organisée à l’intérieur même de l’Université afin de signifier leur refus d’une telle démarche qu’ils considèrent comme « une provocation de plus », l’administration recule et les examens sont reportés à « une date ultérieure », sans plus d’explications.

À partir de là, les étudiants, qui tiennent des réunions quasi quotidiennes, passent à d’autres actions afin de faire aboutir leurs revendications qui ne se limitent plus aux trente points de leur plate-forme, mais aussi au départ du Chef de leur département ainsi que de son adjoint, ils lancent, pour ce faire, une pétition qui sera signée (au 03 juin 2006) par 600 étudiants sur les 800 que compte le Département de langue et culture amazighs.
Une délégation est ensuite dépêchée chez le Recteur de l’Université, elle est normalement reçue par ce dernier qui, tentant l’apaisement, déclare à ses interlocuteurs (2) : « Je suis déçu, gêné et scandalisé par leur gestion et bilan négatifs… Sincèrement, le département de Berbère mérite mieux », ceci avant d’ajouter : « Ce département n’est plus comme je l’ai laissé ! », ceci ne semble pas réjouir les contestataires qui attendent des faits et non « des paroles en l’air ».
Afin de maintenir la pression, le Comité des étudiants organise une conférence de presse à l’intérieur du Département de langue et culture amazighs. D’emblée, ils déclarent qu’« un rapport détaillé sur l’état de leur Département, qui après 16 ans d’existence connaît un déclin au plan moyens et encadrement pédagogiques, allait être adressé au ministre de l’Enseignement supérieur et que s’ils ne sont pas reçus, ils tiendraient un sit-in devant son bureau ». Ils dénoncent aussi le fait que « l’administration ait fait appel à une vingtaine d’agents de sécurité pour empêcher une action syndicale, chose qui a engendré des blessés lors des échauffourées occasionnés ».
Une véritable cacophonie s’installe alors, des pétitions et des déclarations sont lancées à tout vent, à côté de la pétition des étudiants, il y aura celle des enseignants qui se demandent « si c’est aux étudiants que revient le droit de choisir les administrateurs » mais qui font mine de ne pas souffler un mot sur les revendications légitimes avancées, une autre pétition est même lancée par certains fonctionnaires pour refuser le départ des deux administrateurs qui sont dans le collimateur des étudiants.

Pour aller plus loin dans leur logique de contestation, les étudiants décident l’occupation continue des bureaux du Chef du département ainsi que de celui de son adjoint, chose qui a été faite à partir du 04 juin 2006 et qui continue au jour d’aujourd’hui. Pour attirer l’attention des autorités, ils ont coupé la circulation routière, devant l’Université, pendant une demie heure, le 13 juin 2006, avant de rentrer tenir un sit-in devant la Bibliothèque centrale.
Les étudiants ne veulent pas en démordre et sont déterminés à mener jusqu’au bout leurs revendications qui, à part quelques points bien précis, sont unanimement partagées par tous les étudiants de l’Université Mouloud MAMMERI de Tizi Ouzou où un air de mal sainteté s’est installé ces dernières années, avec des concours et des promotions opaques ainsi qu’une gestion complètement anti-pédagogique (mais c’est le cas partout !), quoi qu’on en dise, même les étudiants ayant été à l’origine du Printemps Berbère de 1980 ont été traités de tous les noms à l’époque, mais aujourd’hui… c’est une autre histoire.
Notes :
1 : Plate-forme de revendications, Département de langue et culture amazighs.
2 : Selon la Déclaration des étudiants datée du 03 juin 2006 dont nous détenons une copie.
Source : Kabyle.com – Rédaction de Tizi Ouzou – 30 Juin 2006