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Nous, les amazighophones du Maroc, nous sommes victimes, au vu et au su, depuis des décennies du reniement absolu de nos droits culturels et linguistiques. Nous faisons l'objet d'attaques raciales quotidiennes se basant sur l'ethnie, la langue et la culture, dans les lieux publics, dans les écoles, dans les établissements privés et dans l'administration publique (chleuh, chleuh qrouffi, cheleh mleh.)
Nos parents sont des victimes quotidiennes d'attaques raciales ségrégationnistes de la part des agents administratifs arabophones de l'État qui les traitent d'ignorants, de sauvages, souvent en leur soustrayant des sommes indues d'argent. Ils leur refusent les services publics qui sont dus à tous les citoyens marocains, sans exception, en refusant par exemple d'inscrire les noms de naissance de leur choix en argumentant que ce sont là des « noms barbares » et qu'il leur faut apprendre à se civiliser en s'arabisant. Par conséquent, ils refusent souvent de faire affaire avec ces services publics.
Nous avons cru un moment que ces attaques raciales sont le résultat et la réaction de gens simples et ignorants qui manque d'éducation. Cependant, la pétition en circulation, signée par des hauts fonctionnaires de l'État, nous confirme que la ségrégation ethnique basée sur l'origine ethnique, culturelle et linguistique, dont nous faisons l'objet depuis des décennies, est une politique officielle soutenue par le gouvernement en place et par des partis politiques qui se réclament du socialisme. Cette pétition-là a pour objet de faire voter une loi au Parlement de tout le peuple marocain, dont nous sommes une partie intégrante, afin de nous contraindre, exclusivement nous les amazighophones, au silence et nous interdire de protester publiquement, politiquement, contre l'état de ségrégation ethnique, de racisme, qui est désormais une politique officielle du gouvernement marocain représenté par ses hauts fonctionnaires et ses ministres, afin de nous interdire de protester contre l'état de soubassement dont nos parents, nos familles, notre entourage, sont les premières victimes.
Ce qui confirme nos soupçons à propos de la politique culturelle et linguistique, à notre égard, qu'avaient poursuivi les gouvernements successifs depuis l'indépendance. C'est une politique qui est le mûr fruit d'une réflexion consciente et réfléchie visant à nous éliminer culturellement et linguistiquement, en procédant de la manière suivante :
1. L'élimination et la falsification de tout ce qui est en rapport avec l'histoire des Imazighen dans les manuels scolaires et les cours universitaires.
2. La falsification et l'élimination par le Ministère de l'Aménagement du Territoire des noms à connotation amazighe. Les noms des villes, les noms des rues, des boulevards, etc.
3. La falsification et l'interdiction des noms de naissance à connotation amazighe dans les bureaux de l'État civil.
4. Le refus par les ministres d'octroyer les budgets nécessaires afin de créer des Médias en langue amazighe.
5. Le refus d'introduire le tamazight dans les écoles publiques malgré les décrets royaux successifs.
6. La pratique quotidienne du racisme contre Imazighen ne parlant pas la langue arabe par les agents l'administration publique.
Ce qui dénote un racisme et une ségrégation officiels basés sur l'ethnie, la race, la langue et la culture de la part du gouvernement. Si cette pratique quotidienne qui humilie l'homme, la femme et l'enfant amazighs, avaient été dirigée contre les arabophones, le gouvernement saurait comment agir avec leurs auteurs et il en avait fait la démonstration à plusieurs reprises. Lorsque ce racisme et cet extrémisme visent les amazighophones, aucune réaction n'est envisagée par les mêmes responsables signataires de cette pétition-là, et qui se présentent aujourd'hui comme des victimes de « l'extrémisme amazigh. » Ce qui donne la démonstration que ces responsables agissent selon la règle « deux poids et deux mesures. » Ils font une différence nette, se basant sur l'ethnie, la culture et la langue, entre les citoyens marocains.
Nous n'ignorons pas que nos frères et concitoyens arabophones ne sont pas à l'abri du racisme et de l'exclusion. Par conséquent, nous les appelons à s'unir avec nous, en signant cette pétition, afin de former un front commun et solide contre tout racisme et toute discrimination d'où ils viennent, quel que soit leur auteur et quel que soit l'individu qu'ils prennent pour objet.
Par conséquent, nous appelons tous les citoyens marocains, qu'ils soient arabophones ou amazighophones, raisonnables, responsables et aspirant à l'édification d'un véritable État de droit où tous les citoyens sans exception sont égaux, à la signature de cette pétition :
Etant convaincus que :
Le projet de société d'une véritable démocratie acquise aux valeurs universelles, nécessite une égalité absolue des droits et des devoirs, dans la Constitution et dans les textes de lois de notre pays, de tous les citoyens marocains sans distinction basée sur le sexe, l'ethnie, la race, la culture, la langue, l'origine économique ou sociale.
Le racisme est contraire à notre histoire millénaire basée sur une identité riche de multiples affluents et ne privilégiant aucun affluent de notre identité nationale sur les autres au sein de la Constitution de notre pays.
Nous Nous réclamons:
Une Constitution démocratique ne faisant aucune différence entre les différents affluents culturels et linguistiques dont notre histoire témoigne de la cohabitation. Une Constitution démocratique garantissant à tous les citoyens et sans discrimination, le droit d'apprendre et de pratiquer leur langue maternelle dans les écoles, les établissements publics et privés, les activités civiles ou politiques.
Une loi punissant de manière forte toute incitation à la haine raciale, toute attaque ayant pour objet la discrimination et l'exclusion de tout citoyen sur la base du sexe, de l'ethnie, de la culture, de la langue, de la religion ou de l'origine économique ou sociale.
La sanction et la poursuite judiciaire à charge des services publics, et une punition forte contre tout citoyen ayant une responsabilité publique ou privée, de toute administration publique et de tout fonctionnaire de l'État, s'ils leur arrivent de pratiquer l'exclusion et la discrimination raciales basées sur le sexe, l'ethnie, la culture ou la langue.
Nous réclamons une Constitution et une loi qui protége tous les citoyens marocains sans exception contre le racisme, contre la xénophobie, contre la ségrégation et l'exclusion ethnique, raciale, culturelle et linguistique.
Groupe d'Intellectuels marocains
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