Le projet sur les Lois Organiques remet l’amazighité au point zéro
Par Ali khadaoui, AmazighWorld.org Date : 2016-09-20
Lors de la rencontre organisée par l’AMDH à Rabat sur les lois organiques concernant la mise en pratique de l’officialisation de la langue amazighe, après une présentation générale de l'historique de la question amazighe, des circonstances et approche d'élaboration de ces lois, une lecture critique de ces dernières et le débat qui a suivi les différentes interventions,
on abouti à un constat des plus amers: ces lois remettent tout simplement les pendules de la question amazighe au point zéro.
Voici le résumé des conclusions de la rencontre sur le projet des lois organiques présenté par le Gouvernement Benkirane et qui se caractérisent par:
1- une déformation des faits car le texte introductif parle d’une « approche participative et de concertation », alors que cette concertation concerne juste deux associations affiliées au PJD;
Il s’agit dans les faits d’une approche dictatoriale à sens unique qui a exclut toutes les composantes du Mouvement Amazigh de toute particiption, Mouvement qui a à son tour rejeté et l’approche et la copie du Gouvernement.
2-Une approche qui fait fi des acquis depuis le discours d'Ajdir et la création de l'IRCAM en 2001, et qui ramène ainsi la question amazighe au point zéro en ignorant ou gommant tout ce qui a été fait auparavant.
3-Une approche qui constitue une violation flagrante de la constitution de 2011à bien des égards, et il suffit de voir la définition donnée à la langue amazighe et quelle place lui a été réservée dans les tribunaux pour en être convaincu.
D’entrée de jeu, la langue amazighe est définie comme étant « toutes les expressions linguistiques amazighes utilisées dans les différentes régions du Maroc, ainsi que la production linguistique et lexicale amazighes éditée par les institutions et instances spécialisées » (art.1)…Alors que l’IRCAM, seule instance spécialisée en la matière a élaboré une langue standard depuis longtemps, le projet remet sur le tapis cette question déjà tranchée, comme il a remis en question de manière implicite la graphie tifinagh officialisée depuis 2003 et sortie dans le bulletin officiel mais jamais mentionnée dans le projet!
D’autre part, ce projet de lois maintient aussi implicitement que l'arabe demeure la seule langue de la justice, ce qui exclut de fait la langue amazighe et le droit à la langue amazighe maternelle des tribunaux. De plus, ces lois parlent du « droit pour les justiciables, à leur demande, de bénéficier d'un interprète » qui ne sera autre qu'un mokhazni ou un policier qui ne maîtrise ni l'une ni l'autre des deux langues et qui ignore jusqu’au ba ba de la traduction. Autrement dit, la langue amazighe demeure facultative dans les tribunaux, ce qui est contraire à la constitution qui l’affirmée « langue officielle » même sous conditions.
Rappelons que cette exclusion maintenue de la langue amazighe des tribunaux avait été l'une des raisons majeures de l'émergence du Mouvement Amazigh et l’une de ses revendications principales...
4-Un texte au style flou avec des expressions du genre « l’Etat œuvre avec les moyens disponibles », "il est possible", « l’Etat assure à cet effet », ce qui ouvre la voie à toutes les interprétations individuelles possible et imaginables qui permettront aux ennemis de l'amazighité omniprésents dans toutes les institutions de l'Etat de bloquer à leur guise toute progression de l'amazighité comme cela a déjà été constaté avec le dossier enseignement et médias depuis 2003...
Quant à l’enseignement de la langue amazighe, il est stipulé dans ces lois comme étant « un droit pour tous les marocains sans distinction » ! L’obligation, le devoir de tous les marocains sans distinction à l’égard de cette langue, eh ! bien on n’en parle point…De plus, l’intégration effective de la langue amazighe dans le système éducatif public et privé est mis entre les mains : « des autorités gouvernementales chargées de l’Education et de la Formation, en coordination avec : le Conseil National des Langues et de la Culture Marocaine, le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique» …Dans le même sens, la création des filières amazighe dans les Universités est laissée au bon vouloir des décideurs par l’expression « Il est possible » en début de l’article 6…
5-Des lois organiques qui ne prévoient aucun budget à leur réalisation et qui renvoient cette dernière à d'autres instances et institutions de l'Etat sans préciser les modalités et les règles d’application de la coordination.
6-Des lois qui hypothèquent l'officialisation de la langue amazighe qui ne sera effective à cent pour cent qu'en 2031…Avec une progression et un calendrier laissé au bon vouloir des multiples intervenants…
Conclusion :
L’approche exclusiviste adoptée, les définitions farfelues et non scientifiques, le style littéraire et non juridique utilisé dévoilent au grand jour :
-une méconnaissance flagrante du dossier « question amazighe » des concepteurs de ce projet;
-une sous-estimation de la gravité de ce dossier qui a été traité avec une légèreté qui remet en question des acquis importants pour la paix civile dans notre pays;
- les vrais desseins de l'esprit qui a présidé à la préparation de ces lois: un esprit qui table sur le temps, notamment la disparition de la langue et des constituants de la culture amazighe...
- un esprit qui méprise la langue amazighe –et donc imazighen- et qui les replace dans une situation d’appartheid linguistique après toutes les décisions de l’Etat pour corriger une dérive politique et historique dont les responsables sont bien connus comme étant les tenants de l’arabo-islamisme qui maintiennent leur folie idéologique consistant à soumettre de fait la langue amazighe à la suprématie de la langue arabe au nom de l’islam…
Alors que le Mouvement Amazigh demande depuis toujours une "compensation" à travers une discrimination positive pour la langue amazighe eu égard au retard du à son exclusion et à sa marginalisation depuis bientôt des décennies, ce projet de lois organiques la soumet encore à l’usure du temps, la noie dans des considérations aux desseins bien visibles.
Des lois qui oublient que la question amazighe est une question complexe et globale qui ne peut pas être ramenée ni résolue par des lois organiques aussi limitées et discriminatoires.
Des lois qui ne prévoient rien pour la révision de l'histoire, la compensation collective des plaies de la résistance armée populaire contre les armées du Protectorat qui a duré plus de 25 ans et qui a détruit les bases sociales, économiques et culturelles de ces régions qui doivent être déclarées "Régions Martyres" conformément au Droit International" avec un plan Marshal à la marocaine;
Des lois qui, enfin, ont oublié tout simplement des secteurs fondamentaux comme la sphère religieuse, la formation des cadres qui doit obligatoirement être bilingue, la recherche scientifique, ou le côté psychologique qui a conduit les marocains à se renier en adoptant des étiquettes étrangères, dans le mépris total de ce qui est amazigh, donc marocain.
Maintenant que les desseins sont clairs, que Benkirane et compagnie nous ramènent 50 ans en arrière, la balle est dans le camp du Mouvement Amazigh
Quelques remarques avant de clore :
Quand la langue arabe avait été officialisée, cette officialisation avait-elle été soumise à la promulgation de lois organiques ?
Sans parité avec la langue arabe, la langue amazighe ne sera jamais officielle à titre plein. Or il suffit de décider que la langue amazighe sera intégrée là où se trouve la langue arabe officielle et le problème est réglé…
Il est des secteurs qui ne demandent pas d’effort d’imagination : la communication orale par exemple. Tout le monde sait que les administrations du pays sont truffées d’amazighophones. Il suffit de leur assurer un environnement psychologique et administratif favorables pour que ce problème soit résolu.
Continuer à prendre imazighen pour des mineurs politiques, continuer à insulter leur intelligence n’augure rien de bon pour ce pays. Cette régression est des plus dangereuses et il est du devoir de tous les démocrates et patriotes de ce pays de dire stop à cette politique irresponsable et incendiaire.
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Commentaire N° : 1 Par: Laic Le : 2016-09-21 Titre: Les amazighophobes sont parmi imazighn !!!!! Pays: Morocco
Suite au bon article du chercheur Mr.Ali khaddaoui ,je tiens à signaler que la 5eme colonne se trouve parmi nous .Sinon comment expliquer le vote n'imazighn pour les partis politique amazighophobes du genre :parti de l'istiqlal,pjd et même le mouvement populaire qui exploite notre noble cause d'une manière machiavélique .Comment expliquer par exemple à Imilchil la population qui a voté pour un président de commune istiqlalien !! Ou encore à Merzougua où les gens ont voté pour un islamiste !!!C'est une honte ,il est du devoir des jeunes de faire comprendre aux"vieux"qui votent, la dangerosité de leur acte .La cause Amazigh doit être au dessus de tout calcul partisan il est temps de savoir nos adversaires qui mettent les bâtons dans la roue de l'amazighite pour l'empêcher d'avancer.
Commentaire N° : 2 Par: Madjid Le : 2016-09-23 Titre: Le projet sur les lois organiques remet l'amazighité au point eéro Pays: Algeria
Suite à la pseudo constitutionnalité de Tamazight, certains ont claironné de joie. Hors en réalité il n'y en a rien de trancher juridiquement et constitutionnellement car au sens de l'article 5, paragraphe 2 tamazighr n'est qu'une langue nationale et officielle faisant partie du patrimoine national de tous les marocains après certaines conditions. Tel n'est pas le cas pour l'arabe qui demeure langue OFFICIELLE DE L'ETAT (1er paragraphe) et langue nationale et officielle. D'ailleurs lors de la proposition d'une loi organique élaborés au Maroc par le CMA, auquel j'ai participé, j'avais attiré l'attention des présents sur cette reconnaissance machiavélique et ce tour de passe passe juridique et constitutionnel. Quant à l'Algérie, qui a repris texto dans son article 3 les termes du 1er paragraphe de l'article 5 marocain, elle a purement et simplement fait cas de tous les parlés amzighophones (C'est à dire: Chaoui, Kabyles, Targui et Thamzabit) ey non de la langue Tamazight ; ceci en plus du terme EGALEMENT" ajouté, de la non précision d'appartenance comme l'a fait le Maroc qui avait dit " langue nationale et officielle faisant partie du patrimoine national de tous les marocains, du flou rédactionnel contradictoire. Le texte de la prétendue constitutionnalité il va plus loin que la pseudo reconnaissance marocaine quand on lit les 3 ier paragraphes du préambule et surtout le fameux article 212 qui exclu Tamazight des 8 chapitres ne pouvant aucunement faire l'objet d'une éventuelle révision constitutionnelle, c'est à dire tout est révisable sauf sauf ces 8 thèmes frappé d'un tabou. Cela veut dire en termes claires que même cette pseudo reconnaissance est accessoire et qu'à tout moment elle peut etre annulée si révision il y a; ce qui se fera surement car c'est devenue une habitude à chaque noueau chef "d'Etat" issue derégime politique qui dure depuis plus de 50 ans