L' eau est vitale, affirme-t-on souvent. L'eau est l' élément indispensable à la survie de l' humanité. L' accès à l' eau est un droit fondamental que chaque être humain se doit de jouir. Mais comme partout dans le monde, son exploitation est inégalement utilisée. Au Maroc, dans ce pays qui prétend s'inscrire dans un processus de démocratisation, l'état marocain lance régulièrement des appels d'offres aux investisseurs dans le cadre ( officiel ) du développement du pays. Des propositions alléchantes qui intéressent bon nombre de sociétés étrangères. Trop souvent, les ressources, comme l'eau, sont exploitées au détriment des populations autochtones. Comme habituellement, au Maroc, ce sont les Amazighs qui en paient le prix. Voici quelques faits récents qui le prouvent. De quoi vous rafraîchir la mémoire...
L'accès à l'eau est un droit bafoué au quotidien chez les Amazighs. C'est le cas à Bemsmim, à 6 km d'Azrou, dans la province d' Ifrane, au Moyen Atlas. En Septembre dernier, les habitants de cette localité ont manifesté leur mécontentement contre l' exploitation industrielle de leur source par un investisseur français. Le projet consiste à mettre en bouteille et commercialiser cette eau au Maroc mais l' investisseur et ses complices makhzéniens assurent vouloir contribuer au développement économique local. C' est vraiment prendre les Amazighs pour des imbéciles. D' ailleurs, c'est une tradition au Maroc.
En fait, cette source permet aux 3 000 habitants de Bemsmim de boire et d'abreuver les 5 000 bêtes de la localité. Elle permet également d'irriguer les champs. Il faut, en outre, préciser que les Amazighs au Maroc ont toujours été considérés comme des sous-hommes, c' est-à-dire comme du bétail. Beaucoup de coins perdus où habitent les Amazighs ne sont toujours pas électrifiées et où l'eau est une denrée rare. Bloquer ou même freiner l' irrigation des champs, c'est les vouer à la destruction puisqu' il y a un risque de pourrissement. C' est exactement la même chose pour les Amazighs : leur ôter l'eau, c'est-à-dire la vie, c'est souhaiter leur disparition en les assoiffant. C'est tout simplement logique.
Le Moyen Atlas est une région très marginalisée et donc pauvre. Les contraintes naturelles y sont pour beaucoup. Cependant, il faut savoir que cette région est très riche ( bio-diversité et ressources naturelles....) mais que les gens sont plus que pauvres. L'exemple d'Anfgou en est un parmi d'autres. Ce ne sont pas les montagnes qui marginalisent le plus les Amazighs du Moyen Atlas : c'est le makhzen qui, en les isolant et en les négligeant, les oblige à vivre dans la misère la plus absolue. De plus, le Moyen Atlas est connu pour ses belles prostituées berbères. Arracher leur source aux habitants de Bemsmim, pour le makhzen, peut passer inaperçu. Puisqu' il s' agit ici d'appauvrir des gens initialement démunis. La véritable source ( de revenus ) des Amazighs du Moyen Atlas, ce n' est pas l' eau mais la bonne chair berbère. Donc ni vu ni connu, pensent les autorités locales...
Le problème est que les Amazighs de Bemsmim sont soutenues par des ONG internationales et par tous les Amazighs informés de leur situation. Il faut donc mettre la pression la plus grande sur les autorités locales pour laisser aux habitants le libre-choix d' exploiter leurs ressources qui n' appartient nullement au makhzen, faut-il le lui rappeler. Si cette source doit être léguée aux étrangers, les fils de la région doivent êtres les premiers à êtres embauchés pour participer à ce projet puisqu' il s'agit, rabâche-t-on, du développement de leur localité. Sinon, la source de Bemsmim ne saurait appartenir à un étranger pendant que les Amazighs, eux, cherchent à s' abreuver. Comme des bêtes.
A Aourir, dans le Souss, trois personnes sont mortes il y a quelques semaines. Mais pas n' importe comment : elles sont mortes de soif. Ces trois Amazighs sont morts de soif sur leur propre terre. Chose impensable dans l' Afrique du Nord d'antan : des autochtones amazighes meurent en cherchant à boire. Dans le Souss, la surexploitation de la nappe phréatique, l'augmentation de la consommation d'eau dû à l'explosion du secteur agricole et la faible pluviométrie sont tant de critères qui incitent à lutter contre la rareté de l' eau. Mais l' eau devient rare quand l' Homme l' exploite pour ses intérêts.
Le président du Conseil régional du Souss, M. Aziz Akhenouch, assure faire de la lutte contre la rareté de l'eau sa priorité. Mais, comme vous savez, entre les dires et les faits, il y a toujours un grand écart. Les faits accomplis par ce riche milliardaire Amazigh ( mais Amazigh que de nom ), c'est céder des millions de dirhams aux Arabes et à financer nombre d'organismes arabistes donc anti-amazighes. Comme le journal marocain et arabiste Aujourd' hui le Maroc ou bien Le Courrier de l'Atlas, magazine français destiné aux « Maghrébins » de France, c'est-à-dire aux Arabes de France. M. Akhenouch sait-il que trois personnes sont mortes de soif dans la région qu' il préside et où il a fait de la lutte contre la rareté de l'eau sa priorité ?
Toujours dans le Sud mais à l'Est : le cas des « cinq douars assoiffés » dans la commune d'Iminoulawn, près de Ouarazate. Peu après la mascarade politique à laquelle tous les Marocains, au pays et à l'étranger, ont eu le droit, le président du conseil communal se réveille un beau matin et décide de cesser l' approvisionnement de ces villages en eau. Motif : les habitants, Amazighs bien évidemment, n' ont pas voté pour le candidat de son parti. Son attitude est pour le moins désolante de la part d'un élu local mais pas étonnante du tout. C'est ce qu'on appelle la démocratie sauvage. Il faudrait jeter ce makhzénien trop culotté dans les rivières du Dadès. C' est une pratique bien courante chez nous, à Assif n Dadès, que de donner une leçon bien rafraîchissante à ceux qui veulent nous en donner. Ce sont à cause de gens comme cet élu que les Marocains ont boudé les urnes. D' ailleurs, les Amazighs ne savent même pas ce que c'est qu'une urne. Pourtant, nous, les Amazighs, pouvons nous vanter d'avoir été démocratiques depuis la nuit des temps.
En effet, les femmes amazighes rurales et montagnardes se chargent d'aller chercher l'eau à la source, aussi éloignée soit-elle ou bien au puits le plus proche. Dans tous les cas, ces jeunes filles et femmes connaissent la valeur de l' eau mieux que mille citadines. Armées de bidons initialement réservés à contenir de l' huile ( forme de recyclage parmi d'autres ), elles s'en vont, seules ou en groupe chercher l'eau et marchent parfois pendant des heures pour la trouver. Les plus chanceuses ont un âne ou un mulet. Arrivées au point d'eau, elles prennent soin de verser l'eau dans les bidons, très attentivement. Pour ne pas laisser une seule goutte d'eau s'échapper. De retour au village, elles versent l'eau dans des bidons qui restent toujours dans un coin de la maison traditionnelle, en pisé. Entourés d'un large tissu qu'elles mouillent de temps à autre pour conserver l' eau fraîche.
En ce qui concerne les champs, dans les villages, chaque famille dispose d'une journée pour irriguer ses champs ou une partie de ses champs pour les plus aisés. Cette pratique est strictement codifiée. Chacun son tour, personne n' est favorisé, ni sous-estimé : la plus stricte égalité. Ce sont des méthodes très courantes que les Amazighs héritent de leurs honorables ancêtres. C' est ce qu' on apelle la noble démocratie, celle de la pureté et de la transparence. Et non pas celle de la corruption et de l' inégalité.
Chez les Amazighs, dès qu' un passant demande à boire de l'eau, qu' il soit européen, arabe ou noir, on court lui apporter un grand verre d'eau bien frais. Sorti tout droit d'une source comme celle de Bemsmim. Grâce au travail de nos soeurs et mères amazighes. Tout le monde participe et tout le monde fait les efforts nécessaires pour aider le plus faible. Le makhzen, lui, veut offrir la source des Amazighs de Bemsmim sans les consulter, sans leur dévoiler l'identité de cette société-écran qui veut exploiter à elle seule des milliers de litres d' eau en un rien de temps. Alors que des Amazighs se meurent dans le Souss. A cause du non accès à l' eau potable. Leurs réserves d'eau. Mais il y a pire : les arbres sont encore plus privilégiés que les Amazighs, au Maroc.
A Marrakech, place Jemma Al Fna, des centaines de jardins et palmeraies inondent les alentours de la célèbre Place Rouge. Des emplois ont étés crées spécialement pour arroser tous ces palmiers qui rendent la ville encore plus extravagante. Et il faut nous en féliciter. Il faut bien atteindre, en 2010, ce maudit chiffre de dix milliards de touristes ! Aucun palmier ne doit différer des autres tant au niveau du volume, de la taille que de l' esthétique.
Sauf que derrière la magnifique palmeraie se cache le Maroc de la misère et du silence. Ou plutôt, on veut cacher la pauvreté et les souffrances que subissent les familles habitant tous ces bidonvilles qui entourent la ville, précisément dans les quartiers populaires péri-urbains. On arrose, ou plutôt, on « sur-arrose » des arbres alors que des enfants, des femmes et hommes, par dizaines, à quelques mètres, n'ont même pas de quoi faire boire les nouveaux-nés des familles. Ce sont, dans leur majorité, des « ex-ruraux » qui avaient, après avoir vendu tous leurs biens, misé sur la vie en ville dans l'espoir de vivre dignement. Mais c' est un échec pour la plupart de ses familles, souvent nombreuses, qui ne savent pas que même toutes réunies, elles ne valent même pas un demi-palmier...
Parallèlement, l'ONU vient de voter la Déclaration des droits des peuples autochtones. Ce texte officiel affirme le droit à la différence de tous les indigènes, trop souvent marginalisés sur leur propre terre. Comme les Indiens en Amérique, les aborigènes en Australie ou les Karens en Birmanie. Alors que les régimes politiques régissant ces pays sont outrés de ce qu'ils appellent le « séparatisme » et « l'isolationnisme » de tous ces peuples, voilà qu'un texte officiel, venant de la très haute Organisation des Nations Unies, vient confirmer la légitimité de toutes leurs revendications. Et vote une déclaration stipulant que les peuples autochtones ont le droit à la différence, à une vie digne. Et à rester maîtres, et non étrangers, sur leur propre terre.
Et mieux : les peuples autochtones sont dans le droit de réclamer l'autonomie de leur région mais également l'enseignement et l'officialisation de leur langue. Elle affirme surtout que les ressources de tous ces peuples ne sauraient êtres cédées ou vendues aux étrangers ou à un tiers sans la consultation des autochtones. Sans leur consentement.
Nous ne demandons strictement rien aux makhzen, ni le supplions de nous soutenir. Par contre, nous lui réclamons ce qui nous revient de droit. A savoir nos terres, nos ressources et notre langue. Enfin, concernant l' eau qui s' est toujours apparentée à de l' or pour les Amazighs, elle n' a jamais été une marchandise. Et elle ne le sera jamais.
Alahyan Fatima