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LA CRISE BERBERE DE 1949. Portrait de deux militants : Ouali Bennai et Amar Ould-Hamouda. Quelle identité pour l'Algérie ?
Abdennour Ali Yahia. Dans cet ouvrage, Me Ali Yahia a voulu rendre justice à quelques grandes figures du Mouvement national exécutées par leurs frères d’armes, sur ordre du CCE, simplement pour avoir contesté le socle identitaire imposé par les instances de la Révolution en escamotant un pan entier de notre identité : sa composante amazighe. L’auteur va particulièrement s’attarder sur une séquence quasiment taboue dans l’historiographie officielle connue sous le nom de «crise berbériste de 1949». Me Ali Yahia préfère plutôt parler de «crise anti-berbériste» qui «a privé les Algériens de leur algérianité». Un anthropologue de la Kabylie ancestrale… Avant d’aborder le cœur de l’affaire, Me Ali Yahia consacre un bon tiers de son ouvrage à la «Kabylie des années 1930», en somme, celle de son enfance, lui qui a vu le jour en 1921 dans le village de Taka (Aïn El Hammam).... Ce préambule ethnographique dit toute la profondeur et l’ancrage de la culture amazighe en suggérant, en creux, la violence de sa négation. Le mémorandum qui divise. Cette négation va se manifester par un document messaliste qui sera à l’origine de la crise. Il s’agit d’un mémorandum d’une cinquantaine de pages, explique Me Ali Yahia, élaboré par le bureau politique du PPA-MTLD en 1948, à la demande de Messali Hadj qui devait se rendre à l’ONU. «Ce mémorandum refuse de donner à l’existence de l’Algérie une origine plus lointaine que l’occupation arabe qui remonte au VIIe siècle de l’ère chrétienne», relève le président d’honneur de la LADDH. Alors que Messali proclamait «l’Algérie sera éternellement algérienne» au stade de Belcourt, en 1936, il soutient dix ans plus tard que «l’Algérie est arabe» en l’arrimant au Moyen-Orient. Me Ali Yahia rapporte aussi comment, en juillet 1949, cinq étudiants PPA-MTLD, en l’occurrence, son frère Saïd Ali Yahia, Mebrouk Belhocine, Yahia Henine, Sadek Hadjerès et Saïd Oubouzar, se fendent d’un contre-mémorandum intitulé : L’Algérie libre vivra, et signé d’un pseudonyme : Idir El Watani. De son côté, le conseil fédéral du MTLD en France fait voter une motion, par 28 voix contre 32, s’exprimant clairement pour une «Algérie algérienne» par opposition à l’orientation panarabiste de la direction du parti. Purges et liquidations physiques sur ordre du CCE. La réaction de l’état-major du FLN-ALN sera des plus sévères. Les militants berbéristes subiront une véritable purge, peu après le début de la guerre de Libération nationale. Ils seront rangés dans le même sac que les Messalistes «qui ont pris les armes contre la Révolution», s’indigne Ali Yahia Abdennour. Il précise, dans la foulée, que Bennaï Ouali et Amar Ould Hamouda avaient pourtant appelé au déclenchement de la lutte armée dès la fin des années 1940, bien avant le 1er Novembre 1954. C’est connu : les révolutions mangent leurs propres enfants… L’auteur du livre jette un regard décomplexé sur cette partie importante de l’histoire de l’Algérie combattante qui n’a pas manqué d’avoir une incidence certaine sur le mouvement national et les choix idéologiques qui s’y sont opérés depuis. C’est un livre qui réhabilite deux figures historiques du Mouvement nationaliste algérien au destin tragique. Bennaï Ouali et Amar Ould Hamouda, assassinés en pleine guerre de Libération nationale par leurs «camarades», comme le rappellera l'auteur : - A la mémoire de Ouali Bennaï et de Amar Ould-Hamouda, personnages hors du commun, monuments historiques sacrés d’une grande valeur militante, que l’on peut considérer comme les leaders les plus grands du mouvement national, des guides éclairés assassinés à la fleur de l’âge par leurs pairs, pour avoir porté haut et fort le flambeau de l’Amazighité forgée de larmes et de sang, pétrie de dignité, d’honneur, de fierté et d’éthique. Mourir pour la berbérie –Tamazgha, la patrie, noble et juste cause, présente dans leur vision, leur stratégie, leur esprit et leur cœur, dans leur démarche et dans leur action–, était leur destin. Leur sacrifice final pour cette terre d’Algérie qu’ils ont tant aimée, n’aura pas été vain, leur souvenir sera vivant et le devoir que chacune et chacun doit rendre à leur mémoire, est de poursuivre jusqu’à son terme l’œuvre à laquelle ils ont consacré leur vie jusqu’à ce que la mort les sépare. Ils attendent de nous de vivre pour eux, pour continuer leur combat et le réaliser. Vers leur mémoire montera la gratitude de la nation, qui les honorera et les fera entrer dans l’histoire, le jour où la démocratie aura droit de cité dans ce pays." A. A.Y. C’est aussi et surtout un manifeste qui redonne à la dimension amazighe sa place naturelle dans une Algérie véritablement «algérienne», tant le combat de ces deux héros se confond avec celui de l’identité amazighe de l’Algérie. Un combat qui a mis au grand jour les contradictions des nationalistes algériens, se transformant en une crise anti-berbériste qui éclata au sein du parti indépendantiste (PPA- MLTD) en 1949. L’auteur du livre, Ali Yahia Abdennour, une autre grande figure du Mouvement de libération et du combat démocratique postindépendance, revisite cette histoire – qui a eu des conséquences dramatiques sur le cours des événements et des valeureux hommes – pour rendre justice aux militants berbéristes qui se sont opposés aux orientations idéologiques arabo-islamiques de Messali Hadj et du bureau politique du PPA-MTLD. Editions Barzakh, Alger, 2013. 295 pages. Prix éditeur : 850 dinars.
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