
L’œuvre et l’auteur
« Tudart dg Undr » ou « la vie dans la tombe » est le nouveau roman en Amazigh du Rif de Mohamed Bouzaggou (juillet 2015), qui suit « Jar u Jar », «Ticri x tma n tsarrawt » et autres ouvrages dramaturgiques dans tous les sens du terme. Le nouvel ouvrage de Bouzagou est un récit autobiographique de 144 pages, format 20/14cm, couverture illustrée par un tableau de Ali Bousttati , imprimé chez IKRAA et sans éditeur jusqu’à présent (distribué par l’auteur, lui-même ). Mohamed Bouzaggou, romancier mais surtout acteur éminemment polyvalent, dramaturge, scénariste, réalisateur, producteur ciné et télé (Taziri Production), acteur associatif amazigh.
Roman à thèse ou Récit plaidoyer.
« Tudart de Undr » est un récit/discours à la première personne, discours par l’énonciation, construite sur l’antithèse du « nec », le mort, l’enterré et/contre « cek », le vivant, l’assassin, plutôt sur l’opposition systématique du narrateur/locuteur (je) contre le récepteur/interlocuteur (tu, toi). Une apposition du Moi qui relate le parcours biographique du narrateur/défunt issu d’une localité rurale (Ighzar uriri) et déplacé de force à « Nnadur », la ville ou l’espace étonnamment pouilleux, désagréable et hostile. Une migration imposée, autant antipathique qu’utile soit-elle.
Le monologue, longue tirade (mariage des genres), car l’interlocuteur est linguistiquement/physiquement absent quoiqu’il soit vivant, est un plaidoyer contre une situation imposée par ce déracinement du narrateur à la fois singulier et pluriel (nec, neccin), obsédé(s) à chaque moment opportun par la peur d’exprimer ses sensations, de dire, d’extérioriser le sentiment de l’amour en particulier. Tel est la caractéristique dominante de la communauté.
L’ironie, grâce à la puissance dissuasive des tournures stylistiques telles l’antiphrase, l’emphase, l’hyperbole…, est l’arme de ce duel unilatéral car l’interlocuteur/ l’assassin est soumis, sans défense, à une sorte du jugement de la victime. « Ordalie humaine » ou revanche sur le présent pour un retour, au moins psychologique, au passé, à la racine, à Ighzar uriri, bref à l’identité local.
Langue et visée lexicale.
Ce désir du retour à l’entité (identité) locale se traduit par un champ lexical et une tonalité d’une variante locale du Rifain (dja) équivalent à être au passé du Français. D’ailleurs, le titre est transcris orthographiquement en Rifain (Tudart au lieu de tuddert).le « r » au lieu du « l » ighzar uriri). Bref, il s’agit au moins d’un tournant dans l’écriture de M.Bouzaggou, de ses essais de standardisation de la langue (ou des langues amazighes) par l’écriture littéraire, à son choix de la réhabilitation des variantes linguistiques locales. Tel est le virage.
Intertextualité ou Coïncidence intertextuelle.
« Tudart dg Undr » rappelle le lecteur francophone de différents récits : « Le dernier jour d’un condamné » de Victor Hugo et des romans de Driss Chraïbi ou d’Ahmed Sefrioui et surtout de Mohamed khairddine, non pas seulement par le style d’écriture, mais aussi par l’engagement qui fait de l’écriture un acte pour dénoncer une situation, pour se dénoncer même. Tactique ou stratégie de défendre une conviction.
Invitation à la lecture pour découvrir le devenir de la littérature amazighe ou simplement pour le plaisir de la lecture.
Soliman El Baghdadi.